vendredi 26 mars 2010

RD Congo/Goma : une prime de performance pour motiver les magistrats

Pour mettre fin à la léthargie dans le système judiciaire à Goma, le ministère de la Justice, aidé par la Rejusco (Restauration de la Justice au Congo), a instauré une prime de performance. Les juges et magistrats traitent désormais plus vite les dossiers des personnes qui croupissent sans jugement dans la prison centrale.
Dans le bureau du personnel de la prison centrale de Goma, à l'est de la RD Congo, quatre détenus récupèrent leur bulletin de libération qui atteste qu’ils sont acquittés. "J'ai été accusé de viol parce que ma copine est tombée enceinte. On m’a jeté en prison sans jugement. Après six mois de détention, me voici enfin dehors", se félicite Simon avec un faible sourire. "Nous avons été présentés à la Justice, il y a seulement deux semaines, pour nous expliquer les charges retenues contre nous", déclare un autre prisonnier acquitté. La prison centrale de Goma est un bâtiment construit à l'époque coloniale. Elle ne peut, en théorie, accueillir que 150 personnes. Elle en compte pourtant près de six fois plus…
Le nombre élevé de détenus s’explique par le fait que beaucoup de dossiers restent en suspend dans les tribunaux. Certains invoquent le manque d’effectifs. Ainsi, le juge Bahati Yuma déclarait à Radio Okapi que, depuis le 22 août 2009, il n’y a que six juges au tribunal pour 8 000 dossiers. Depuis l’arrivée du nouveau procureur à la tête du Parquet de grande instance de Goma en juillet 2009, plus de 8 000 dossiers ne sont pas encore instruits et 200 autres sont toujours en délibérés. Le délai prévu par la loi (huit jours maximum entre la fin du procès et le verdict) est largement dépassé. Certains justiciables attendent d'être fixés sur leur sort depuis plus d’un an. "Cela serait dû à un dysfonctionnement structurel dans cette maison judiciaire depuis plus de deux ans. Je dois faire de cette question une de mes priorités", soulignait Sylvain Lumbu, procureur de la République du Parquet de grande instance de Goma, lors de son investiture.

Début d'amélioration

Aux effectifs réduits des juges, s'ajoute un problème de corruption. "La prison est pleine à craquer, car les juges préfèrent s’occuper des dossiers des riches qui les corrompent afin que leurs cas soient vite examinés. Les pauvres sont délaissés et se retrouvent en prison pour des faits qui ne méritent pas une telle peine. Voilà pourquoi certains juges ont été chassés et arrêtés", affirme, sous anonymat, un employé de la prison centrale. Même son de cloche pour un défenseur des droits de l'homme à Goma : "Ces dossiers non traités sont de la responsabilité des autorités judiciaires qui cautionnent l'impunité dans notre système. Imaginez une affaire d'assassinat : s’il n’y a pas de jugement, les gens sont amenés à se faire justice eux-mêmes ce qui entraîne l’insécurité". Pour tenter de résoudre ce problème, le gouvernement, par le truchement du ministère de la Justice, a lancé un appel d’offres à la magistrature pour renforcer l’équipe de juges et magistrats sur toute l’étendue de la République. Résultat : 2 000 récipiendaires. Reste à les affecter.
Pour motiver les juges à traiter les dossiers, le même ministère, en partenariat avec la Rejusco (Restauration de la Justice au Congo), a également instauré une prime de performance. "Pour un dossier traité au niveau du tribunal, nous donnons 100 $. Au niveau du Parquet, les juges reçoivent 25 $", explique Delphin Bulambo, coordonnateur adjoint de cet organisme gouvernemental. Depuis le lancement de l’opération en octobre 2009, la situation commence à s’améliorer : "À la veille des festivités de la Saint Sylvestre, j’avais constaté une vague de traitement des dossiers. Je m’étais demandé si c'était une mesure de grâce pour la fin de l'année ou un changement prôné par les autorités judiciaires. J’espère que c’est un changement profond et que ça va continuer ainsi", indique Janvier Kambala, directeur de la prison centrale de Goma.

"Ne plus rester dans le flou"

Malgré cette prime de performance, le nombre de détenus ne baisse pas. Ce que justifie ainsi le directeur : "Il est difficile de mesurer les avancées positives puisqu’on compte 862 détenus, mais c’est parce qu’il y a de nouveaux prisonniers". Toutefois, quels que soient ses premiers résultats, certaines personnes condamnent cette prime : "La Rejusco doit cesser de donner de l'argent superflu, car le magistrat le moins payé touche dans les 600 $ et cela n'empêche pas certains d’accepter la corruption", déclare un avocat au barreau de Goma. Pour la Rejusco, la prime ne perturbe pas la procédure judiciaire, mais la renforce : "Le fait que les dossiers soient traités permet aux justiciables de ne plus rester dans le flou. Certains sont libérés, d’autres sont condamnés. C’est pourquoi le nombre ne change pas, mais au moins les détenus sont jugés", conclut Delphin Bulambo, son coordonnateur général adjoint.

(Syfia Grands Lacs/RD Congo)

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