mercredi 18 août 2010

Rwanda : les élections présidentielles : une fête bien préparée

(Syfia Grand Lacs/Rwanda) les élections présidentielles du 9 août ont été préparées par les autorités rwandaises comme une grande fête. Décors, musique, habits de fête : rien n'a été oublié. Elles se sont déroulées sans heurts et sans surprise, les électeurs ayant été bien conditionnés avant le scrutin pour voter pour Paul Kagame.
"Je n’ai jamais vu un décor si plaisant, si unique en Afrique où j’ai observé des élections. Elles ont habillé le pays en robe nuptiale, chose exceptionnelle pour le Rwanda", s'exclamait Peter Abraham, observateur sud-africain, le 9 août, jour des élections présidentielles au Rwanda, remportées haut la main par Paul Kagame, le président en place. De fait, les autorités ont voulu faire de cette journée de vote, une journée de fête qui marque les Rwandais. Tout a été soigneusement préparé.
Partout dans le pays les électeurs localisaient facilement leurs bureaux de vote, souvent des écoles, grâce à des arcs de triomphe aux couleurs du drapeau rwandais ou des bananiers décorés. Des objets symboles de la culture rwandaise les décoraient : lances, paniers, tambours, signes de paix... Des vivres étaient disposés dans les couloirs ainsi que de grosses calebasses et des pots au lait. « Tout ceci veut dire que si nous choisissons bien, nous aurons la prospérité et l’abondance », explique une femme de la Commission nationale électorale (CNE) qui attend le dépouillement des votes à Kagugu. "Bien voter signifie voter pour Kagame", assure ainsi un quadragénaire, rencontré devant un bureau de vote, en T-shirt portant le slogan TORA Paul Kagame (Vote pour Paul Kagame).

Électeurs en habits de mariage
De nombreuses personnes ont participé à ces décorations qui ressemblaient fort à celles qu'on fait habituellement pour les mariages. Elles sont assez coûteuses, et ont été, dans la plupart des cas, prises en charge par les autorités locales. Celles-ci incitaient les gens à se surpasser car "la commission électorale a promis un prix à un umudugudu (la plus petite entité administrative, NDLR) qui se sera démarqué des autres par son décor du site de vote. C’est la compétition !", confie un responsable local de Kicukiro, ville de Kigali.
Pour cette journée exceptionnelle, les électeurs étaient aussi tenus de venir voter en habits de fête. "Le Secrétaire Exécutif de notre entité de base nous a suggéré de porter des habits destinés au mariage", confirme Mukamunana Antoinette, 45 ans, animatrice de santé et d’éducation civique et morale (Intore) dans la ville de Ngôma à l'Est. Selon elle, aucun citoyen de sa contrée ne devait aller voter sans porter des souliers : “Ceux qui n’en ont pas ou ceux qui ont des vieux souliers, ont été obligés d’emprunter à leurs amis afin d'aller voter dans les normes".
Les agents de la Commission nationale électorale (CNE), en uniforme blanc, accueillaient les électeurs et leur expliquaient les procédures du scrutin. Les forces de l'ordre étaient aussi présentes pour assurer la sécurité des électeurs "Je croyais y trouver des agents de la CNE, mais curieusement, j’ai remarqué que les policiers ; les agents de Local Defense Force et les militaires étaient aussi sur les sites électoraux en train d'observer le déroulement des présidentielles”, remarque Mukamusoni Marie-Chantal de la localité de Gatore, à 50 km de la frontière rwando-tanzanienne. La CNE diffusait aussi des chansons qui parlaient de la citoyenneté et de la démocratie. "Cette musique m’a accompagnée sur la file indienne et elle m’a réjouie", témoigne une électrice.

Silence dans les files d'attente
Cependant, dans les files d'attente, les électeurs préféraient garder un silence prudent."Un grand jour comme celui-ci, il faut se garder de faire des commentaires, car on ne sait pas vraiment à qui on parle. Parfois, les agents de renseignements sont présents ici et là en tenue civile pour faire parler de ce que les électeurs ont vécu”, précise un électeur du secteur administratif de Gatore. "Nous préférons parler entre nous de choses simples du quartier plutôt que de sujets hautement politiques", poursuit un vendeur de bananes.
Certains Rwandais, dont les noms ne figuraient sur les listes électorales, ont cependant grincé des dents. "Je me demande à présent si je suis rwandaise ou pas. Comment les agents de la CNE osent-ils m’ôter la nationalité ?“, se plaignent Alice et ses collègues de l’Université technique de Kibungo.
Pendant la campagne électorale, la plupart des autorités locales qui devaient délivrer les pièces administratives exigées de chaque électeur, étaient absentes et de nombreux bureaux fermés. Les agents et autorités locales abandonnaient fréquemment leur poste au profit des réunions des partis politiques et de l’organisation des campagnes électorales de leurs candidats. Certains citoyens dépités, n'ont pas pu obtenir à temps leur carte d'identité ou l'attestation qui en tient lieu. Cependant, la participation au scrutin a été très large, 95% des électeurs se sont rendus aux urnes.
Paul Kagame a obtenu, selon les résultats provisoires, 93,08% des scrutins. Ces jours-ci la population des cellules se réunit un soir pour fêter cette victoire, signe qu'ils ont bien voté – ce qui veut dire voter pour Paul Kagame -, ce qui, selon certaines sources, qui souhaitent rester anonymes, aurait fait l'objet dans certaines cellules d'un contrat de performance verbal avec les autorités locales.
La société civile, satisfaite du bon déroulement des élections estime cependant que "la prochaine fois, la commission électorale devra spécifier le comportement des autorités pendant la période électorale."

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