lundi 3 janvier 2011

Rwanda: la monogamie exigée par la loi est réclamée par les musulmanes

Les musulmanes du Rwanda, longtemps soumises à la polygamie, en ont assez d'endurer un calvaire au nom de la foi. Elles réclament haut et fort le respect de la loi qui n'autorise que le mariage monogamique propice à l'épanouissement du foyer.

Ce sont les musulmanes de Rwamagana, à l'est du Rwanda, qui ont les premières brisé le silence. "Nous demandons à nos maris de respecter la Constitution du pays qui reconnait seulement le mariage monogamique", lance haut et fort une quinquagénaire de cette région bien connue pour abriter un grand nombre d'adeptes de Mahomet. Les hommes rwandais fidèles à l'Islam, estiment, en se fondant sur le Coran, que la polygamie est autorisée. Nombre d'entre eux prennent plus d'une femme comme concubines et font des dizaines d'enfants. Pourtant, la Constitution du Rwanda, de juin 2003, stipule que "seul le mariage monogamique est reconnu par la loi ". Aujourd’hui, les musulmanes en ont assez. "Au moment où le VIH/Sida fait rage et où chacun est appelé à réguler les naissances, on ne peut plus supporter la polygamie ou le concubinage. C'est cela qui constitue la source principale des conflits familiaux", remarque une femme de Karenge, Ngoma (Est). "Un homme qui couche avec trois ou quatre femmes peut facilement propager les maladies sexuellement transmissibles ou donner naissance à un grand nombre d'enfants qu'il ne sait pas éduquer, ajoute-t-elle. Il lui est difficile aussi de leur trouver des biens comme la terre ou un autre patrimoine". Le Coran pas toujours respecté D'après un technicien foncier, l'enregistrement des terres actuellement en cours a réveillé des conflits familiaux, surtout chez les polygames. Cet avis est partagé par une veuve de 67 ans qui se dispute avec sa coépouse une petite parcelle laissée par leur ancien mari. Cette musulmane de Kigali explique que les femmes des polygames mettent au monde de nombreux enfants souvent pour rivaliser et s'attirer la sympathie de l’homme. "Quand je voyais que ma rivale n'arrêtait pas d'avoir des grossesses, moi aussi je faisais tout pour avoir un nouveau-né, espérant ainsi m'attirer l'affection de notre mari", témoigne-t-elle. "Notre mari n'a rien fait pour donner à chacune de ses épouses un patrimoine pour l'éducation des enfants, constate cette femme âgée dont le voile ne cache pas la colère, alors que le Coran dit que l'homme peut prendre plusieurs femmes quand il est en mesure de les satisfaire en tout." Pour le Sheikh Seleman Byagusetsa, représentant de l'Islam dans la région de Kigali, le niveau de vie actuel au Rwanda ne permet pas de prendre plus d'une femme en respectant ce que préconise le Coran. Pour lui, "la loi civile est claire pour éviter toute tentative de malhonnêteté envers les femmes et les enfants ". "Quand la foi ne coïncide pas avec la loi du pays, il y a beaucoup de risques de mésentente dans la société", remarque-t-il. Lui conseille à ses fidèles de n'avoir qu'une femme, car "cela réduit les jalousies et les conflits en famille". Avis partagé avec Abdalah Temarigwe, un musulman de Nyamirambo. Pour lui, avoir plusieurs femmes contribue à la mauvaise gestion des biens de la famille et appauvrit les foyers. "L'homme qui a des concubines a une favorite, ce qui crée des hostilités entre les rivales. Celui-là ne peut se dire croyant, car le Coran exige de traiter de la même façon ses femmes", ajoute-t-il. Fatiguées d'endurer tout au nom de la foi "Quand j'ai épousé mon mari, j'étais sa troisième femme. J'ai vu mes rivales quitter et d'autres venir. Mon mari ne faisait rien pour faire vivre sa famille, se souvient encore la vieille musulmane de Kigali interrogée plus haut. Lorsque j'en avais assez de supporter seule la famille et de toujours me soumettre aux caprices de mon ancien mari, mes responsables religieux m'enjoignaient de toujours d'obéir, car le Livre saint dit que la femme doit être soumise à l'homme." Aujourd'hui, les jeunes femmes musulmanes ne veulent plus de ces pratiques. "Les musulmans sont très élogieux envers l'État qui reconnaît tous leurs droits. Mais, les autorités doivent aussi faire cesser les mauvais traitements que subissent des musulmanes", suggère une jeune femme de 26 ans de Kiramuruzi (Est). Celle-ci, dont le père avait quatre femmes, est très claire : "Je ne suis pas prête à tolérer la polygamie alors que je n'ai jamais joui de l'affection paternelle et que ma mère a été privée du bonheur conjugal." Les plus âgées aussi n'oublient pas le calvaire qu'elles ont subi. Elles en attribuent l'origine à la mauvaise interprétation des Écritures saintes. En effet, quand ils doivent choisir l'une de leurs femmes pour l'épouser légalement, bon nombre préfèrent la plus jeune des épouses… (Syfia Grands Lacs/Rwanda)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire