vendredi 1 octobre 2010

Rd Congo : les fonctionnaires mal payés sont peu zélés et corruptibles

(Syfia Grands Lacs/Rd Congo) En Rd Congo, les fonctionnaires attendent souvent plusieurs mois leur très maigre salaire dont ils réclament la revalorisation depuis 2004. Le personnel politique lui, ne s'oublie pas et consomme l'essentiel du budget salarial de la fonction publique. Des retards et des inégalités qui minent la fonction publique et encouragent la corruption.

A Kolwezi, ville minière du Katanga au sud-est de la Rd Congo, les agents et fonctionnaires de l’Etat ne manquent pas d’humour quand ils évoquent la paie de leurs salaires. Ils empruntent les paroles bibliques que les chrétiens répètent quand ils évoquent la venue ou le retour de Jésus sur terre : "On ne connaît ni le jour ni le mois de la paie", ironise Samy Kasembwe, président du Syndicat des enseignants du Congo (Syeco) à Kolwezi. Fin de septembre, ils attendaient de toucher les salaires de juillet et août. "Etre fonctionnaire est un véritable calvaire", déclare Samy, qui enseigne dans un Institut technique public de la ville.

Estimés à près d’un million, les fonctionnaires congolais ont toujours reproché au gouvernement sa “mauvaise foi” pour trouver une solution à leurs problèmes. "Alors que notre salaire est déjà maigre, l’Etat nous le paie tardivement", dénonce Kabamba Nkole, un huissier qui touche 35 000 Fc (39 $) le mois. Leur mécontentement est renforcé par certaines inégalités constatées ces derniers mois, dans l’application du barème salarial. Le gouvernement a récemment accordé des augmentations aux secrétaires généraux (poste le plus élevé de la Fonction publique), qui touchent 930 000 Fc (1033 $). Médecins et magistrats ont aussi obtenu des augmentations sectorielles, après des mois de grève et de revendications.


La part belle aux politiques

Dans un mémo adressé au Premier ministre en juillet, les syndicats des fonctionnaires dénonçaient une discrimination et une mauvaise répartition des richesses nationales. Ils estimaient, en effet, que le personnel politique consomme 90 % de l’enveloppe salariale du pays, ne laissant que 10 % aux fonctionnaires. Après que le pays ait atteint, en juin dernier, le “Point d’achèvement”, processus qui efface 90 % de sa dette extérieure (près de 14 milliards de dollars), les fonctionnaires s’estiment en droit de bénéficier d’un meilleur traitement. Car le pays ne paie plus chaque mois comme avant, les 50 millions de dollars consacrés au service de la dette. "Nous exigeons l’extension du barème de Mbudi déjà payé aux secrétaires généraux, à toutes les catégories des agents et fonctionnaires de l’Etat…", réclament les syndicats.

Négocié en 2004, le barème de Mbudi avait fixé à 208 $ le salaire de l’huissier et à 2080 $ celui du secrétaire général. Mais son application devait se faire progressivement (par paliers). Aujourd’hui, avec 39 $ payés au fonctionnaire du bas de l’échelon et 1033 $ au plus au gradé, on est très loin du compte. Le gouvernement explique ces retards par le manque des liquidités. "Les recettes de l’Etat sont maigres et ne peuvent couvrir les 42 milliards de Fc (56 millions de dollars) de la masse salariale", explique le ministère congolais du Budget.


La misère entraîne la corruption…

Les syndicats ont aussi toujours réclamé l’uniformisation au niveau national du barème salarial. Il existe en effet des disparités parfois criantes entre Kinshasa et les provinces. Un instituteur gagne en moyenne 46 $ dans la capitale contre 12 $ pour son collègue de la province de Bandundu. Ces écarts sont justifiés, selon le gouvernement, par le coût de la vie qui est plus cher à Kinshasa. "Il est injuste que le salaire d’un huissier de Kinshasa dépasse celui d’un directeur en province", dénonce cependant Eric Monga, Président de l’Intersyndical des fonctionnaires au Katanga.

Tous ces problèmes qui minent depuis de longues années la fonction publique, ont fini par démotiver le personnel de l’administration. Absentéisme, manque de zèle, corruption… ont solidement pris corps dans cet important appareil de l’Etat. Formellement, "le fonctionnaire n’est présent au travail que trois jours sur six, témoigne un agent. Le reste de temps il cherche ailleurs de quoi nourrir sa famille. Et au lieu de 8 heures de travail par jour, il passe 8 heures au travail." Enseignante, Jeannine Mwilu ne trouve pas d’autres explications à ces pratiques désormais courantes dans l’administration publique. "Maintenu dans un état chronique de misère et de non satisfaction de ses besoins primaires, le fonctionnaire qui n’est pas payé succombe à toutes sortes de tentation comme la corruption, le vol, la mendicité…"

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